Published On: 16 janvier 2024
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MESDAMES, MESSIEURS,

Le 19 décembre 2023, le Parlement a adopté la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration dont le contenu méconnaît gravement la lettre et l’esprit de notre Constitution et en particulier l’alinéa 1er du Préambule de la Constitution de 1946. Celui-ci dispose que « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. »

Les député·es du groupe Socialistes et apparentés, frontalement opposé·es à ce texte dans son ensemble, proposent d’en supprimer les dispositions les plus attentatoires aux droits fondamentaux : celle qui instaure la préférence nationale et celles qui suppriment l’inconditionnalité de l’hébergement d’urgence.

La préférence nationale figure à l’article19, qui introduit des conditions de durée de résidence pour l’accès à différentes prestations sociales.

Plus précisément, cet article prévoit que pour l’accès aux prestations familiales (la prestation d’accueil du jeune enfant, les allocations familiales, le complément familial ; l’allocation de logement, l’allocation de soutien familial, l’allocation de rentrée scolaire, l’allocation journalière de présence parentale), l’accès au logement social et l’allocation personnalisée d’autonomie, l’étranger devra justifier de trente mois d’activité professionnelle ou cinq ans de résidence.

Pour les allocations personnalisées au logement, l’étranger devra disposer d’un visa étudiant, ou justifier de trois mois d’activité professionnelle, ou à défaut de cinq ans de résidence.

Au regard de leur objet, ces différentes prestations sociales sont actuellement ouvertes aux étrangers résidant de manière régulière sur le territoire de la République. Elles garantissent en effet la dignité de la personne humaine, le droit à un logement décent, le droit de disposer de « moyens convenables d’existence » pour reprendre les termes de l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946.

Aussi, l’instauration d’une durée de résidence ou d’une activité professionnelle confine à la consécration d’une préférence nationale, qui est contraire à nos valeurs républicaines et le principe d’égalité tout particulièrement.

Il suffit pour s’en convaincre de se rappeler les mots de M. Jean-Marie Le Pen interrogé par M. Paul Amar le 16 mars 1988 sur le plateau du journal de 20 heures d’Antenne 2 présentant sa proposition phare pour l’élection présidentielle de1988: «Je coupe la pompe à finances, c’est-à-dire que j’établis le principe de préférence nationale, dans le travail, dans les services sociaux, dans l’attribution des HLM, dans la politique familiale ».

Trente-cinq ans plus tard, après l’adoption de cette disposition, et plus largement du texte ici contesté, sa fille et l’ensemble de ses héritiers politiques – en l’espèce les députés du Rassemblement national – ne pouvaient que justement constater leur « victoire idéologique ».

Aussi, l’article 1er de la présente proposition de loi vise à abroger purement et simplement cet article 19.

Si l’abrogation de cet article est un impératif moral pour les raisons évoquées supra, elle est aussi nécessaire tant ses conséquences sur la vie des étrangers seraient dramatiques. Cet article est en effet une bombe sociale.

S’il en venait à être appliqué, des milliers de familles ne pourront plus payer leurs loyers et factures. Elles se retrouveront à la rue, sans solutions, avec leurs enfants. Concrètement, c’est à la mère isolée étrangère qui vit en France depuis quatre ans avec plusieurs enfants de nationalité française que le texte supprime les allocations familiales. Il supprime également le droit à un logement social ou aux aides personnalisées au logement (APL) à l’infirmière de nationalité étrangère, alors qu’elle contribue tous les jours à faire tenir notre hôpital public. À ces étrangers qui paient des impôts et cotisent en France, le texte voté ne leur promet qu’une misère encore plus forte.

Ce texte consacre surtout le renoncement à un principe fondateur, celui de l’universalité de notre Sécurité sociale, au nom duquel quiconque dans le besoin a droit aux prestations sociales dites “non contributives” (versées sans préalables), qu’il travaille ou non.

À celles et ceux qui prétendent qu’une telle condition existe déjà pour le revenu de solidarité active (RSA), il faut rappeler que le Conseil d’État l’avait jugé “proportionnée” dans la seule mesure où d’autres prestations garantissaient un reste à vivre suffisant aux étrangers visés. Tel ne sera plus le cas avec le texte voté le 19 décembre dernier.

Par ailleurs, la loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration prévoit en ces articles67 et69 de priver d’hébergement d’urgence les étrangers qui seraient soumis à une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ainsi que ceux dont la demande d’asile a été définitivement rejetée.

Il apparaît que de telles dispositions conduiraient à priver de logement de manière systématique un grand nombre d’étrangers sans alternative pour s’abriter. En ce sens, elles sont totalement contraires au droit pour chaque personne de disposer d’un logement décent.

Pire, de telles dispositions seront à l’origine d’une multiplication des habitats indignes, des campements sauvages et des situations d’exploitation de personnes de nationalité étrangère par des marchands de sommeil ; phénomènes contre lesquels l’inconditionnalité de l’hébergement d’urgence était un bouclier utile.

Aussi l’article 2 de cette proposition de loi visent-ils à abroger les articles 67 et 69 de ladite loi.

C’est l’honneur de la République et de ses traditions d’accueil dans le respect de la dignité humaine qui se trouvent gravement remis en cause par la loi du 19 décembre 2023. Cette proposition de loi vient ici en supprimer les horreurs les plus contraires à nos principes.